Le 11 mars 2008, une conférence intitulée « La Route de la Soie, voie d’échanges » s’est tenue dans les salons de l’INALCO. C’était une conférence à trois voix puisqu’elle réunissait :
- Lucette Boulnois, la spécialiste de la première heure de cette région du monde. Ancienne élève de l’INALCO, ingénieur de recherche au CNRS, elle a consacré plusieurs ouvrages et articles à l’histoire des échanges matériels et culturels entre la Chine et les pays situés sur la « Route de la Soie », ainsi qu’à l’histoire des échanges Népal – Tibet et Népal – Chine.
- Catherine Meuwese, ancienne élève elle aussi, agrégée de chinois, a enseigné tant dans le supérieur que dans le secondaire et a publié de nombreux ouvrages, notamment dans le domaine de la civilisation chinoise et de la didactique des langues.
- Bernard Ollivier, marcheur des temps modernes, qui a écrit de nombreux récits sur son expérience.
Qu'entend-on exactement par cette expression ? Cette expression (on dit aussi maintenant, plus correctement : les Routes de la Soie), vous ne la trouverez pas chez les auteurs chinois avant qu'elle ait été lancée en Occident, vers la fin du xixe siècle, par un géographe allemand F. von Richtoffen, alors en voyage scientifique dans le nord de l'empire chinois et alors qu'il se trouvait sur un itinéraire caravanier traditionnel du commerce. C'était un itinéraire par lequel la Soie chinoise avait été, pendant des siècles, exportée vers l'ouest, à travers l'Asie centrale, d'où ce nom de « Route de la Soie ».
Dans le monde occidental, elle ne sortit pas, tout d'abord, pendant quelques décennies, du vocabulaire des historiens, des géographes, des naturalistes, des archéologues et autres catégories d'explorateurs (Marc Aurel Stein, Paul Pelliot, Sven Hedin, Prjevalsky...) puis passa largement dans le domaine public dans les années 1975-1980 lorsque l'Asie centrale soviétique, puis l'Asie centrale chinoise s'ouvrirent aux voyageurs étrangers et que les touristes y affluèrent.
C'est aujourd'hui, pour les Occidentaux, non seulement un sujet d'études et de recherches, mais aussi un mot-clef des agences touristiques, c'est le voyage par excellence, un support de rêves pour les nouvelles générations de voyageurs éblouis par l'extraordinaire beauté des paysages, curieux des vestiges artistiques, de rencontres avec les habitants... touristes fortunés pratiquant l'avion et le confort, ou voyageurs sans voiture ni monture, partis pour la satisfaction d'un exploit sportif ou bien en Route pour des mois sur les traces de Marco Polo ou dans les pas de leur quête personnelle, les vrais voyageurs, selon Baudelaire, « ceux-là seuls qui partent pour partir », « ceux-là dont les désirs ont la forme des nues »...
Matériellement, géographiquement, historiquement, de quoi s'agit-il ? Il y a des acceptions plus ou moins larges. Pour moi, voici comment je définirais ce que j'appelle Route de la Soie, avec ou sans s à « Route » :
Un faisceau, ou plutôt un réseau d'itinéraires commerciaux transcontinentaux, allant de la Chine à la Méditerranée, par l'Asie centrale au sens large et l'Iran, complété de routes maritimes auxquelles il est connecté ; itinéraires par où passèrent la circulation des marchandises - dont la plus importante, au départ de la Chine, était la Soie - ainsi que les savoirs scientifiques et techniques, les religions et les arts.
À partir de quand peut-on parler de Route de la Soie ? L'histoire écrite chinoise, notre plus riche source d'informations, place « l'ouverture à l'Ouest » de la Chine en 138 avant notre ère, sous l'empereur Wudi de la dynastie Han, empereur qui pour un motif d'alliance stratégique avec un peuple situé très loin à l'Ouest de la Chine, y envoya en ambassade un officier, Zhang Qian, avec une centaine d'hommes. Ses aventures, son retour, les résultats de sa mission (suivie d'autres) sont célèbres. Ce fut, en effet, le point de départ de l'expansion chinoise vers l'ouest, de la fondation d'un empire de colonies et de protectorats, empire chinois qui au cours de ces deux millénaires a alternativement conquis, perdu et reconquis ses marches allogènes, ses glacis, ses zones d'influence.
Le premier voyage de Zhang Qian l'avait amené jusqu'à la vallée du Ferghana, dans le Sud de l'actuel Ouzbékistan. Puis les envoyés chinois abordèrent aux frontières de l'Iran, visitèrent la Bactriane, découvrirent un occident jusque-là, pour eux, mythique, là où le Livre des montagnes et des mers, le Shanhaijing, géographie rédigée entre le ve et le iiie siècles avant notre ère, place maintes légendes, êtres fabuleux, hybrides d'homme et d'animal, l'arbre qui donne la pêche d'immortalité, Xi Wangmu la Reine et mère de l'Occident en son char traîné par des phénix, le mont Kunlun, séjour des immortels...
Ils découvrent l'existence de royaumes très puissants : Anxi, la Perse des Arsacides, dynastie parthe ; Shengdu, l'Inde. Ils apprennent aussi l'existence d"un pays puissant, situé à l'extrême-occident du monde, nommé Likan ou Lijian, c'est le pays qu'on appellera plus tard Daqin, c'est le monde romain, pas encore l'empire romain mais déjà une grande puissance, d'où viennent des productions extraordinaires... Tel est le début de ce qui sera une longue histoire d'échanges diplomatiques, commerciaux, techniques, scientifiques, religieux, artistiques, entre la Chine et les pays situés à l'ouest de la Grande muraille, jusqu'aux territoires qui firent partie du monde romain, puis byzantin.
Ces échanges se sont effectués dans la paix et dans la guerre. La Chine eut continuellement à contenir, à l'Ouest et au Nord, la menace des principautés nomades turco-mongoles ; menace constante non seulement pour la Chine mais aussi pour une grande partie de l'Eurasie, mouvements de conquête nord-sud ou est-ouest qui ont envoyé vers l'Europe, par contrecoup, les « grandes invasions » de notre Moyen Âge et placé la descendance de Gengis Khan sur les trônes de Chine et de Perse.
L'histoire de l'Asie intérieure est celle d'une alternance de coagulations et dissolutions d'empires. Tout d'abord existent des chefferies, des principautés, guerroyant souvent entre voisins, pour des terres, des pâturages, l'espace vital, la maîtrise des voies de communication, pour piller les biens ou capturer des esclaves... L'un de ces chefs monte en puissance, conquiert ses voisins, et les unissant sous sa domination, forme un empire puissant... À l'époque Han, environ les deux siècles précédant le début de l'ère chrétienne et les deux premiers siècles de celle-ci, il y eut en Eurasie quatre grands empires : chinois, parthe, romain, en dernier lieu koushan... Puis, après une période d'apogée, pour diverses raisons, la dynastie décline, le pouvoir central faiblit, les marches, protectorats, satellites, se détachent. L'empire se fragmente. Ainsi l'Asie centrale, entre Chine et Perse, compta parfois plus de cinquante, et même jusqu'à soixante-dix états indépendants... L'empire chinois, le pôle le plus solide avec la Perse, s'est reconstitué plusieurs fois autour de son centre d'origine. L'empire romain s'est fragmenté. Nous avons vu récemment se déstructurer l'URSS et réapparaître plusieurs états États indépendants en Asie centrale. Les grands mouvements de conquête, le plus souvent, ne se font pas sans d'immenses dégâts, destructions matérielles, pertes humaines, villes prises et ravagées, populations exterminées, déplacées, emmenées en esclavage. Dans les grandes périodes d'un empire, le pouvoir central puissant fait régner l'ordre et la sécurité, favorise l'industrie, la production des sciences et des arts. Sauf si un ordre social trop injuste et un mauvais gouvernement suscitent une grande révolte du peuple - la Chine en a connu plusieurs.
Ici, nous portons notre attention sur les itinéraires transcontinentaux, mais il ne faut pas en séparer complètement, pour l'histoire des échanges, les itinéraires maritimes, connectés aux routes terrestres transcontinentales par les ports de l'Inde du nord-ouest, lesquels étant fréquentés par les marchands venus par la mer Rouge, le golfe Persique et l'Océan indien, de plusieurs pays importants de l'occident, de l'Orient et Extrême-Orient, permettaient également aux marchandises de tous ces pays de rejoindre l'Asie centrale à travers ce qui est aujourd'hui le Pakistan et l'Afghanistan. L'île de Ceylan devint un carrefour important du commerce dans toutes les directions.
Sur les itinéraires terrestres, il s'agissait de voyages qui duraient, pour les caravanes marchandes de mulets, chameaux, ânes et chevaux, des mois et des années. Les ambassadeurs, les militaires, moins encombrés, cheminaient plus vite ; cependant, de la capitale chinoise, Chang'an, à la frontière de la Perse, trois ans n'étaient pas de trop pour l'aller et le retour d'une ambassade. Pour une caravane marchande, le rythme était de 25 à 30 kilomètres par jour. Le contexte géographique est impressionnant : d'abord l'immensité des distances à parcourir, puis la difficulté du terrain : de hautes chaînes de montagnes, des cols à très haute altitude, la glace et la neige. D'une chaleur écrasante en été, le grand désert était l'obstacle le plus redouté : Gobi, shamo, Sha he, le fleuve de sable ou Liu sha, les Sables qui coulent ; le Taklamakan ou « pays d'où l'on ne revient pas »... En gros l'interminable désert entre Dunhuang et Kashgar - notons cependant que la désertification était moins avancée alors qu'aujourd'hui - désert où la caravane dépend, entre les oasis, des points d'eau, d'une maigre pâture pour animaux de bât, où parfois l'on trouve son chemin grâce aux ossements des animaux d'une caravane qui a péri là, victime des vents brûlants, d'une tempête de sable ; et plus encore l'on redoute les démons : selon une rumeur qui court de siècle en siècle, rapportée au ve siècle de notre ère par le pèlerin bouddhiste Faxian, puis par un autre pèlerin chinois, Xuanzang, au viie siècle, puis encore par Marco Polo au xiiie siècle, et encore au xviie siècle par des missionnaires jésuites européens ; on en trouve même la figuration, aux xviie et xviiie siècles, chez les cartographes occidentaux de cette partie de l'Asie. D'après cette légende, des démons qui hantent ces déserts égarent les voyageurs en les appelant et les attirant loin de leur caravane et de la bonne route, de sorte qu'ils ne retrouvent plus leurs compagnons et meurent de faim et de soif.
Si formidables que soient les obstacles naturels, cependant, dans l'histoire des relations commerciales, ils ont rarement été rédhibitoires. Même sans les moyens techniques modernes de transport, la circulation des biens et des hommes a presque toujours pu se faire, que l'on franchisse les obstacles géographiques ou qu'on les contourne. Plus difficiles à vaincre sont les obstacles humains : brigands, pillards, pirates de toutes espèces qui guettent les caravanes marchandes et vivent de rapines, opérant en raison inverse de la puissance des États qu'ils traversent et du degré de paix et d'ordre que ceux-ci sont capables d'assurer ; mais il faut compter aussi avec la volonté de certains États de ne pas laisser passer sur leur territoire les marchands de tel ou tel pays ; avec la rapacité de certains princes, imposant taxes douanières, droit de préemption ou monopoles d'un souverain, interdiction de laisser entrer ou sortir telle ou telle marchandise (par exemple les métaux précieux, ou les armes, ou des œufs de ver à soie)... Enfin, il faut compter avec les périodes de guerre, conquêtes, rébellions, qui empêchent complètement l'acheminement du commerce pendant des décennies sur une partie du trajet. Les débouchés vers les itinéraires maritimes peuvent alors compléter les routes terrestres. D'autre part, les guerres, si elles empêchent les échanges commerciaux normaux, sont aussi un important facteur de transferts. Nous y reviendrons.
Historiquement, nous ont semblé particulièrement intéressantes les périodes suivantes :
l'époque de la dynastie Han (206 avant notre ère à 220 de notre ère, avec une brève interruption de +9 à +20), époque de « l'ouverture à l'ouest » de la Chine et des quatre grands empires : Chine, Perse, Koushan, empire romain. Nos lettrés d'autrefois, pétris d'études grecques et latines, ont particulièrement recherché les documents concernant ces périodes.
l'époque de la dynastie Tang (618 - 907) ; à son apogée, vers 750, l'empire chinois était sans doute la plus grande puissance du monde. Cette période coïncide avec les grands siècles de l'islam, de puissants califats qui disputèrent à la Chine la suprématie en Asie centrale ; avec un grand développement des sciences dans les pays musulmans ; c'est aussi l'époque d'un état tibétain puissant et d'importantes confédérations turques. Ce furent des siècles très riches d'échanges commerciaux, techniques et scientifiques (particulièrement en médecine), religieux, artistiques, entre la Chine, l'Inde, le monde musulman dans sa première grandeur, indirectement l'occident méditerranéen. Les empereurs Tang furent particulièrement intéressés par la science étrangère, firent venir des savants étrangers, firent traduire les ouvrages de botanique, de médecine, d'astronomie. Des religieux chinois se rendirent en Inde à la recherche des livres canoniques et de l'enseignement du bouddhisme.
Grâce au développement et aux progrès de la navigation et au formidable réseau commercial que les marchands musulmans ont constitué, les routes maritimes ont pris davantage d'importance ; le commerce de tous produits connut une prospérité et un caractère mondial probablement jamais encore atteints.
Le xiiie siècle, c'est l'époque où les descendants de Gengis Khan régnaient sur la moitié du continent euro-asiatique, sur la Chine, sur la Perse, recevaient tribut de la Russie et proposaient au roi de France Louis IX, notre Saint Louis, qu'il leur fît allégeance... Sur la Chine régnait Khoubilaï, petit-fils de Gengis Khan, fondateur de la dynastie Yuan. Si l'on y porte intérêt chez nous en Europe occidentale, c'est sans doute à cause de Marco Polo, dont le célèbre récit nous passionne encore aujourd'hui. Ce fut une époque intéressante pour les relations entre le monde chrétien d'une part, et d'autre part l'empereur mongol de Chine - et la Mongolie elle-même avec le voyage de Guillaume de Rubrouck et de quelques autres missionnaires envoyés par la chrétienté au temps des croisades -
Dans ces grandes lignes du contexte historique, quelles furent les principales productions échangées, quels furent les agents qui assurèrent ces échanges et quelles furent les pratiques commerciales ?
(Sans nous attarder sur les échanges diplomatiques, il faut cependant noter une particularité des textes historiques chinois : les échanges officiels, entre souverains, sont considérés, dans le vocabulaire ancien, comme des « présents » (de supérieur à inférieur) lorsque celui qui envoie est l'empereur de Chine, et comme « tributs » (d'inférieur à supérieur) lorsque c'est à l'empereur qu'un souverain étranger adresse un envoi. Ces termes symbolisent la notion de l'empereur pivot cosmique, centre du monde, tous les autres pays étant ses sujets ou ses vassaux. Il s'agit en fait, le plus souvent pour les deux parties, d'un arrangement commercial contrôlé par l'État.)
L'exportation principale de la Chine vers l'ouest était la soie, grège ou non, tissée ou en flotte, demandée partout, et dont la Chine était producteur, et producteur de masse, depuis des siècles, depuis l'époque des empereurs mythiques... À l'époque de l'« ouverture à l'ouest », elle en était encore le seul producteur et s'efforçait de le rester en interdisant toute exportation de ver à soie ou œufs de ver à soie et en gardant ses secrets de fabrication.
La soie n'est pas seulement un beau tissu : dans la Chine ancienne, avant le viiie ou ixe siècle, les impôts étaient payés essentiellement en nature, majoritairement en grain, en soie, autres produits locaux, ou en corvée. Ainsi la production de soie entrait, en quantités immenses, dans les entrepôts du Trésor de l'État. Une partie était utilisée, en nature également, pour payer les fonctionnaires ou pour échanges avec l'étranger. Le reste était vendu aux marchands et entrait dans les circuits commerciaux.
En fait, les pièces de soie constituaient une monnaie ; la soie en avait les qualités spécifiques : transportable, d'une grande valeur sous faibles poids et volume, divisible, se conservant bien, de valeur stable, acceptée partout. Il en fut de même en Europe à l'époque de notre Moyen Âge, lorsque les pièces de soie entraient dans une dot ou un testament, se stockaient comme on stocke de l'or, comme une valeur-refuge.
Introduite d'abord dans les royaumes d'Asie centrale et en Perse, la soie entra dans le monde romain un peu avant le début de notre ère : Virgile (ie siècle avant J.-C.), Pline l'Ancien (au ie siècle de notre ère), et bien d'autres auteurs latins ou grecs en font mention, associant ce tissu, sericum, au peuple des Sères, le peuple le plus lointain, à l'Est, de la terre habitée. On croit alors que c'est un produit végétal, un duvet sur la feuille d'un arbre... Il faudra attendre plusieurs siècles pour que les Occidentaux sachent ce qu'il en est, et ce n'est qu'au vie siècle que des oeufs de ver à soie furent importés en Europe, à Byzance. Et toujours, dans tous les pays où l'on achète à haut prix le fil ou le tissu de soie importés, les économistes et les moralistes vitupèrent le luxe ruineux et immoral qui fait sortir du pays une trop grande part de son argent ou de son or. D'où le désir, pour les uns, de produire la soie eux-mêmes, et pour d'autres, de conserver le monopole de sa fabrication ou des circuits de son commerce.
Le ver à soie avait été introduit clandestinement à Byzance par deux moines nestoriens semble-t-il, venant d'Asie centrale, au vie siècle, sous le règne de Justinien ; il était arrivé un siècle plus tôt en Asie centrale, clandestinement aussi, à Khotan, par une princesse chinoise donnée en mariage au roi de Yutian (Khotan) ; celle-ci avait caché des œufs de ver à soie dans sa coiffure et emmené avec elle comme suivantes des femmes habiles à élever le ver à soie et traiter les cocons. Cet épisode célèbre de l'histoire chinoise est représenté, entre autres, sur des peintures découvertes par les archéologues au Xinjiang.
Cette transmission clandestine, par voie de mariage princier, du ver à soie et de la sériciculture, est celle qui a pris place dans la tradition historique ; fut-elle vraiment la première ? Étant donné le coût de la soie chinoise, l'impact sur la balance commerciale de certains pays acheteurs, est-il possible que la Chine ait réussi, pendant tant de siècles, à conserver de ce côté du monde le monopole de sa fabrication ? Combien y a-t-il eu de tentatives non abouties, d'essais ratés ? Nous ne le saurons pas... l'histoire a fixé l'épisode, symboliquement, sur des personnes royales... plus tard, au viie siècle une autre princesse chinoise, Wencheng, donnée en mariage au roi du Tibet, apporta dans ce pays (cette fois non clandestinement ?) des œufs de ver à soie.
La demande de soie chinoise, toujours croissante, dans les pays situés à l'ouest de la Chine répondait à la demande chinoise, tout d'abord, de chevaux, principalement en raison des guerres perpétuelles avec ses voisins nomades. La puissance d'un royaume repose sur ses chevaux : un royaume sans chevaux faiblit et meurt. La Chine n'est pas un pays de pâturages ; il lui a toujours fallu importer des chevaux. Ses voisins nomades et les nouveaux pays découverts par Zhang Qian sont des éleveurs et ont d'excellentes races de chevaux. On pouvait les obtenir, par exemple, en échange de soie, toujours demandée. Ainsi s'établit un échange de soie contre chevaux, qui dura des siècles, jusqu'à peu près au ixe siècle où il fut remplacé par un échange thé contre chevaux.
Les historiens, les récits de voyageurs ont signalé une grande variété de productions échangées entre pays proches ou lointains tout au long des itinéraires en question. Des centaines de produits passèrent entre les mains des marchands. Les Chinois n'ont monétarisé largement leur propre économie qu'à partir du viiie siècle, utilisant comme monnaie d'échange, avec l'Asie centrale, la Soie et le grain. Hors de leur sphère, les échanges se firent, à l'ouest, partie en nature, partie en monnaies métalliques, selon les pratiques des différents marchands intermédiaires, comme l'attestent les monnaies d'or, d'argent et de cuivre présentes dans les oasis d'Asie centrale.
La Chine exportait, en valeur, plus qu'elle n'importait, à cause du prix de la soie et de la grande demande. Ses partenaires soldaient la différence en monnaies métalliques. Le monde romain, au contraire, importait plus qu'il n'exportait et ses achats de luxe faisaient sortir l'or de l'empire, comme le déploraient Pline et d'autres. Sur les itinéraires maritimes, Ceylan, aux premiers siècles de notre ère, était un énorme tiroir-caisse de monnaies de toutes provenances... les monnaies romaines, que l'on retrouve jusqu'aux rivages indochinois, étaient particulièrement prisées.
La Chine exportait, nous dit encore Pline, la soie, le fer et les fourrures. Le fer (ou acier) chinois fut en effet recherché pendant plusieurs siècles par ses partenaires commerciaux. Le fer chinois et le fer parthe (perse) étaient, nous dit encore l'auteur latin, les meilleurs du monde. Il est vrai qu'on trouve encore le fer chinois cité dans Les Mille et Une nuits... Les Parthes auraient appris la technique de fabrication d'origine chinoise par un transfuge chinois, qui la transmit à un royaume d'Asie centrale....
D'autres textiles sont mentionnés : coton, tapis de laine d'Iran, lin, chanvre...
Circulèrent aussi, entre autres produits (nous n'en citons que quelques-uns) :
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l'or d'Afrique, d'Espagne, du Tibet,
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l'argent
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le cuivre, en lingots ou sous forme de monnaies ou d'objets,
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des matières précieuses telles que jade, corail, ambre, ivoire, écaille, gemmes,
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des minéraux à usage industriel : amiante, alun, borax,
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des substances aromatiques (utilisées comme parfums, médicaments ou à usage funéraire) : myrrhe, encens d'Arabie, aloès de la mer Rouge, ambre gris des baleines, costus, benjoin, musc du Tibet ou de Chine (seulement à partir du vie siècle peut-être, et utilisé principalement en médecine), bdellium, bois odoriférants (santal, etc.), parfums composés de la Perse ou de Rome, onycha produit à partir de coquillages...
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substances médicinales végétales (rhubarbe de Chine ou du Tibet, zédoaire de l'Himalaya)... ou animales (corne de rhinocéros)... ou médicaments composés.
À l'époque de la dynastie Tang, plusieurs empereurs manifestèrent un grand intérêt pour les sciences étrangères et recherchèrent activement les connaissances médicales des autres peuples, spécialement la médecine indienne, la médecine juive, la médecine gréco-romaine, étaient réputées - cet intérêt accru est peut-être aussi en rapport avec la recherche de la drogue de longévité des taoïstes que les empereurs de cette dynastie s'efforcèrent de faire réaliser. - C'est sous le règne de Gaozong des Tang, en 667, que des ambassadeurs de « Roum », l'empire byzantin, apportèrent en présent à l'empereur chinois de la thériaque, célèbre médicament composé mis au point par les médecins grecs au ier siècle de notre ère. Ce médicament dans lequel, selon Pline, entrent plus de 600 ingrédients, a été utilisé dans la médecine occidentale jusqu'au xviiie siècle. Son nom vient du mot grec ther, bête sauvage. C'est un médicament spécifique contre les morsures et piqûres venimeuses de tous les animaux ; en fait il passait pour guérir toutes sortes de maladies. On ne sait pas si cet envoi fut suivi d'un commerce régulier. C'est aussi au viiesiècle qu'à la suite d'une guerre un général chinois ramena de l'Inde, prisonnier, un alchimiste indien. |
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des épices : cannelle (cassia, malabathrum, cinnamome) de la corne de l'Afrique ou de Chine, poivre de l'Inde, etc.
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produits de teintures : indigo indien, etc. (Beaucoup de ces produits ont été transférés en combinant voie de terre et voie maritime. Ont été transplantés, par voie terrestre très vraisemblablement, puis acclimatés dans un autre pays : la luzerne (d'Asie centrale en Chine), le sésame, le noyer, la vigne, le pêcher (de Chine en Inde et en Perse), l'abricotier (d'Asie centrale vers l'Asie mineure et vers l'Inde)...)
LES PASSEURS
Les marchands n'ont pas véhiculé que des marchandises. Ils ont rempli également d'autres rôles fort utiles. En des temps où les voyages étaient longs et risqués, les cartes incertaines, les lointains inconnus ou mal connus, les marchands ont fait office d'informateurs, d'une part sur la géographie des pays traversés et les itinéraires (« ceux qui connaissent les pays et les routes », telle est la signification du nom de Radhanites donné aux marchands juifs qui s'y sont aventurés) ; d'autre part, ils transmettaient les nouvelles politiques et économiques ; ils assuraient aussi les transferts de fonds, utilisant même la lettre de change, leurs réseaux de relations dans tel ou tel port ou comptoir commercial ; en somme, ils faisaient office de banque ; ils ont aussi été, parfois, chargés officiellement de transmettre à un souverain étranger des messages diplomatiques, de préparer des accords ; de par leur connaissance des itinéraires, ils furent parfois chargés de guider et convoyer une personnalité, comme les frères Polo qui accompagnèrent une jeune fille mongole vers son fiancé, khan mongol de Perse ; Marco Polo relate également qu'il fit partie d'une ambassade de l'empereur Khoubilaï chargée de négocier avec le roi de Ceylan l'achat d'un splendide et célèbre rubis. On les voit, dans les Mille et Une nuits, également, chargés d'aller négocier au bout du monde un mariage princier pour leur souverain.... En colonies marchandes, ils ont apporté dans le pays étranger où ils séjournaient, leurs croyances et leur savoir-faire ; enfin, ils étaient polyglottes (comme le jeune Marco Polo qui apprit très vite la langue « tartaresque ») et certains sont restés célèbres comme traducteurs. Enfin, quelques-uns ont laissé de précieuses relations ou manuels, comme l'auteur grec du Périple de la mer Érythrée au iie siècle de notre ère, le Grec Cosmas Indikopleustes au vie siècle avec sa Topographie chrétienne, le marchand arabe Sulayman au ixe siècle ou le plus célèbre, Marco Polo, avec son Devisement du monde au xiiie siècle...Qui furent les marchands sur les grands itinéraires commerciaux ? Certains étaient itinérants, fréquentant les grands bazars et marchés si souvent décrits dans les Mille et Une nuits (contes remplis d'histoires de marchands), d'autres installés en colonies à demeure comme à Xi'an. Ils furent, selon les périodes, Persans, Indiens, Turcs, Arabes arabes ; d'Occident vinrent des Grecs, des Juifs, des Italiens. Ont joué un rôle prédominant dans l'Asie intérieure, les Sogdiens, surtout à partir des ve et vie siècles : on les rencontre, en petites colonies marchandes, de la Crimée à l'ouest jusqu'au Tonkin à l'est, impliqués dans tous les commerces, spécialement celui de la soie. Quant aux Chinois, ils s'expatriaient peu. Sur les parcours maritimes, on rencontre des Syriens et des Grecs, de la mer Rouge à Ceylan et dans les ports de l'Inde, des Indiens, quelques Chinois à Ceylan, des Arabes et des Persans dans toutes les mers.
En dehors des échanges commerciaux il faut aussi compter au nombre des AGENTS DE TRANSMISSION les personnes ou organismes suivants :
Nous avons évoqué les missions diplomatiques, accompagnées d'échanges de produits rares et précieux du pays qui envoie l'ambassade, curiosités, animaux vivants... Parmi ces cadeaux entre souverains sont fréquemment envoyés des artistes ou experts en telle ou telle spécialité, musiciens, danseuses, acrobates, prestidigitateurs.
Nous avons mentionné également, à propos de la soie, les mariages princiers, la jeune fiancée chinoise apportant des œufs de ver à soie dans son nouveau pays, clandestinement ou non. Des princesses chinoises mariées à l'étranger y ont introduit des livres et objets bouddhistes et leur culture chinoise.
Les otages à la cour chinoise. Lors d'un accord entre l'empereur de Chine et un autre pays, par exemple pour sceller des rapports amicaux, il était fréquent que le souverain étranger envoie un proche parent, parfois son fils, à la cour chinoise, comme otage. Ce personnage y vivait parfois des années, il s'imprégnait de civilisation chinoise et apportait sa propre civilisation. On rencontre ces otages à plusieurs reprises dans le rôle d'agent de transmission. Certains furent de grands traducteurs.
Les transfuges : par exemple, un fonctionnaire ou employé dans un poste chinois éloigné en Asie centrale, qui fausse compagnie à son pays et passe dans un autre, monnayant ses connaissances : ainsi aurait été transmise à un royaume d'Asie centrale (et de là chez les Perses) la technique du fer ou acier.
Les esclaves et les prisonniers de guerre. Les guerres, facteur récurrent de transferts de biens et de techniques, entraînant pillage et déplacement de richesses, autrement dit déthésaurisations des stocks de soieries, de l'or, de l'argent, des gemmes et tous objets précieux, dont une partie allait être transférée chez le souverain victorieux, une partie revendue, dispersée en d'autres pays. D'autre part, la guerre était le grand fournisseur d'esclaves : dans ce monde ancien où l'esclavage était universellement répandu, les esclaves constituaient une bonne partie de la main-d'œuvre et étaient une marchandise recherchée. Les prisonniers de guerre, soldats capturés sur le champ de bataille ou habitants d'une ville prise, réduits en esclavage, soit étaient employés directement par le pays vainqueur, soit étaient vendus sur les marchés d'esclaves. Le vainqueur, ou l'acheteur, utilisait cette main-d'œuvre, sauf capacités techniques particulières, aux travaux pénibles : construction de remparts, mines, garde de grands troupeaux, main-d'œuvre agricole. Mais on recherchait particulièrement ceux qui avaient des connaissances techniques : militaires habiles aux armes ou à la défense des villes, tisserands, orfèvres, peintres, musiciens, médecins... Ces spécialistes étaient souvent transférés, par le vainqueur ou par l'acheteur, très loin de leur pays d'origine ; un souverain offrait comme présent, à un autre prince, un esclave artiste ou expert en quelque domaine, voire un magicien ou un alchimiste. L'esclave était donc, souvent, un étranger, qui apportait dans cette nouvelle partie du monde ses connaissances techniques et scientifiques et son savoir-faire - choses plus précieuses encore que les productions elles-mêmes.
Au nombre des savoirs transmis par fait de guerre, ce qui a eu les plus importantes conséquences politiques et culturelles, fut sans doute la capture dans une bataille, de spécialistes de la fabrication du papier. Ceci se passait en 751, à l'époque de la dynastie Tang, à la bataille de Talas, dans la région de l'actuelle ville de Djamboul au Kazakhstan ; en cette bataille s'affrontèrent l'armée arabo-persane du calife Omeyyade et l'armée chinoise. Les Chinois furent mis en déroute ; des milliers de soldats chinois et de civils furent faits prisonniers et amenés à Samarcande. Parmi eux se trouvaient des tisserands en soie, des orfèvres, des peintres et des techniciens de la fabrication du papier, production qui semble avoir été une spécialité chinoise. Les tisserands et les orfèvres furent transférés en Irak. Les techniciens du papier furent installés à Samarcande, grand centre du livre, et enseignèrent leur technique aux vainqueurs. Samarcande devint le premier centre de cette industrie dans le monde musulman ; quarante ans plus tard fut créée la première fabrique de papier à Bagdad, puis on en créa dans toute la Méditerranée musulmane, entre autres à Damas, qui allait devenir pour longtemps fournisseur du monde chrétien... Pendant les Croisades, des chrétiens faits prisonniers par les Sarrasins s'initièrent à cette industrie en Syrie... Le bon marché du papier, l'abondance de la matière première pour le fabriquer, ont activé considérablement la diffusion du texte écrit. En Chine, la mise au point de ce support permit de l'utiliser pour l'estampage, premier pas de l'imprimerie, rendant possible la reproduction rapide et peu coûteuse d'un texte sans le recopier, par application de papier et d'encre ; le stade suivant fut la xylographie, l'imprimerie planche par planche d'un texte gravé sur un support de bois, les textes sortant page par page jusqu'à usure du support. Le plus ancien document imprimé ainsi est un texte bouddhique, le soutra du Diamant, retrouvé à Dunhuang, imprimé en 868. Le stade suivant fut le caractère mobile, en argile cuite, inventé en Chine au xie siècle, puis furent inventés les caractères mobiles en métal au xiiie siècle.
Pour la façon dont s'est répandu dans le monde l'usage de la boussole marine pour la navigation et de la poudre noire dite poudre à canon, on ne connaît pas d'histoire aussi précise et pittoresque que pour les oeufs de vers à soie et la fabrication du papier et nous n'insisterons pas sur l'histoire connue de ces deux inventions considérées comme proprement chinoises ; la boussole marine est attestée dans la marine chinoise fin xe siècle et en Méditerranée au xiesiècle, et la poudre noire est mentionnée en Chine au milieu du ixe siècle, fabriquée par les Arabes au xiiie siècle, en Europe au xive siècle.
LES PORTEURS DE RELIGION
Religieux, prêtres ou simples fidèles d'une religion en pleine expansion, ou fuyant la persécution qui les chassait de leur pays, ils ont été les porteurs de doctrines nouvelles. Au cours des neuf premiers siècles de notre ère, dans toute l'Asie intérieure, de la Perse ou de l'Inde jusqu'à la Chine et la Mongolie, dans les dizaines de royaumes intermédiaires, furent diffusées plusieurs des grandes doctrines religieuses du monde.
Sur le fond ancien de mazdéisme à l'Ouest, de taoïsme et de confucianisme en pays chinois, de religions que nous appelons chamanisme en pays turc et mongol, ou encore d'autres religions locales, furent introduits et répandus le bouddhisme, le manichéisme, le christianisme nestorien. Puis vint l'islam, importé d'une part par les marchands, d'autre part par les conquérants. Le christianisme romain n'apparaîtra que beaucoup plus tard. Le judaïsme y fut représenté par un petit nombre de fidèles.
Je me contente de les mentionner rapidement ici, car Catherine Meuwese développera tout à l'heure ce sujet (voir article intitulé « Les religions en marche »).
Je voudrais seulement insister sur un aspect particulier de l'introduction de ces doctrines nouvelles : l'énorme travail effectué par ces porteurs de religion pour traduire leurs textes sacrés dans les langues de leurs nouveaux fidèles ; car l'apport de ces traducteurs ne fut pas seulement d'ordre religieux, mais concerna tout ce qui se transmet par l'écrit en fait de connaissances profanes, scientifiques et littéraires. Et ceci amène à évoquer cette autre catégorie de passeurs : les traducteurs.
PASSEURS ET CATALYSEURS : LES TRADUCTEURS
Inséparable des échanges internationaux est la question des langues, donc des interprètes et des traducteurs. Pour les échanges commerciaux, il semble que cette question n'ait pas soulevé de grandes difficultés. Il y a même eu des pratiques de commerce muet, sans aucun échange de paroles ni d'écrits, pratique signalée ici et là dans le monde ancien, par différents auteurs. Dans la majorité des cas, même quand il fallait passer par plusieurs interprètes successifs pour la même opération commerciale, les interprètes n'ont pas manqué. Le monde marchand en produisait lui-même : beaucoup de marchands étaient polyglottes - par exemple le jeune Marco Polo qui avait appris très vite, en Chine, la langue « tartaresque ». (Il n'est pas expressément mentionné qu'il ait bien su le chinois ?). Guère de problème, donc, pour le commerce. Mais c'est une tout autre affaire lorsqu'il s'agit de textes diplomatiques, religieux, scientifiques...
Tout d'abord, pour les religions basées sur des textes canoniques, les « religions du livre », comment les transcrire dans une langue qui n'a pas encore d'écriture, comme ce fut parfois le cas ? Il fallait alors inventer une écriture. C'est ainsi que, dans le but de transmettre la tradition sacrée, les textes canoniques, des religieux ont inventé des alphabets ; pour prêcher le christianisme aux peuples huns, et pour cela traduire du syriaque en langue hunnique, un nestorien inventa un alphabet à partir des alphabets pehlevi (persan) et sogdien (tous deux issus de l'araméen) ; cet hybride de lettres araméennes servira plus tard à écrire le ouigour et le mongol. C'est ainsi également que l'alphabet tibétain fut créé au viiie siècle pour traduire les textes bouddhistes écrits en alphabet nagari (l'alphabet du sanscrit) et que l'alphabet slavon, père de l'alphabet russe, fut créé au ixe siècle à partir de l'alphabet grec, par les moines grecs Cyrille et Méthode pour évangéliser la Russie.
Il faut reconnaître aussi tout ce qu'on doit à ces « pères » traducteurs, car ils nous ont laissé non seulement leurs traductions elles-mêmes, mais aussi ont composé des manuels, des grammaires, des dictionnaires ; ils ont formé des élèves - et pensons aux missionnaires européens, des siècles plus tard, jésuites ou protestants, qui furent les premiers grands sinologues et dont on utilise toujours les dictionnaires.
Tous ces travaux ont énormément facilité la traduction des ouvrages profanes, scientifiques, médicaux, géographiques, historiques, philosophiques. (On doit beaucoup particulièrement aux nestoriens, ceux qui étaient restés en Perse après l'établissement du califat ou ceux qui avaient émigré ailleurs et ont traduit du grec ou de l'araméen en persan, puis en arabe, les ouvrages scientifiques et philosophiques grecs, tous ces textes, traduits de l'arabe en latin dans l'Espagne musulmane par les érudits juifs, ont ainsi restitué au monde chrétien occidental le savoir grec perdu pendant la période sombre du Moyen-Âge).
Et c'est également grâce aux traducteurs que nous pouvons lire en français moderne, comme je vous le recommande, pour se détendre et rêver un peu, le Roman d'Alexandre, le Shanhaijing ou livre des montagnes et des mers, le Devisement du monde de Marco Polo, le Voyage autour de la terre de Jean de Mandeville et les Mille et une nuits.... Le lecteur y trouvera la gemme qui éclaire la nuit, la perle qui brille comme la lune, la plante qui donne l'immortalité, des palais tout en pierres précieuses, des hybrides d'homme et d'animal, des alchimistes bicentenaires, des oiseaux qui parlent grec et tant et tant d'autres merveilles.
Lucette Boulnois
ingénieur de recherche au CNRS
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