
Il est des livres rares dont la lecture modifie notre perception du temps, de l'espace et de la mémoire. Le Livre de Plume, de Vincent Robin-Gazsity, est de ceux-là. Publié chez La Route de la Soie - Éditions, ce grand récit, à mi-chemin entre la chronique mythologique et l’épopée transcontinentale, fait revivre les grands mouvements de l’humanité avec la grâce d’un conte et la rigueur d’un artisan du verbe.
Dans une langue somptueuse, charnue, tantôt orale tantôt érudite, Vincent Robin-Gazsity tisse la généalogie imaginaire — et pourtant si crédible — d’une lignée venue des confins de l’Eurasie, de Bördo le loup jusqu’aux moines de Nalanda, en passant par les princesses de soie, les cavaliers Xiongnu, les flammes de Maracanda ou encore les ombres stylites des ermites de Bakony.
Ce livre est une odyssée. Mais une odyssée qui ne cherche pas l’héroïsme individuel : elle révèle les liens. Les ponts. Les passages secrets de l’histoire. Car à travers chaque chapitre, chaque récit, c’est la route de la soie elle-même — non comme infrastructure mais comme imaginaire — qui s’incarne dans les chairs et les prières, les sables et les steppes, les batailles et les berceaux.
La grande force de ce livre réside dans sa capacité à abolir les frontières entre les genres : conte philosophique, épopée fondatrice, fiction historique, chronique familiale, traité mystique — Le Livre de Plume est tout cela à la fois, et pourtant reste d’une cohérence absolue. L’auteur y déploie un savoir immense, mais jamais pesant. Chaque digression est un monde, chaque phrase porte le souffle des siècles.
Vincent Robin-Gazsity ose une littérature sans frilosité, où les mythes fondateurs grecs, indiens, chinois ou mongols se répondent. On pense à Calasso, à Yourcenar, à Gao Xingjian. Mais on sent surtout qu’une voix singulière émerge ici : une voix qui prend le pari de la durée, de la densité, de la transmission.
C’est un livre qui se lit comme on entre dans une yourte au cœur d’une plaine balayée par le vent : on écoute, on boit un lait chaud, on entend les morts parler, on comprend que notre origine n’est pas un point, mais une pulsation. Et que cette pulsation traverse les âges.
Le Livre de Plume s’impose comme une œuvre majeure de notre catalogue. Parce qu’il fait dialoguer les civilisations. Parce qu’il rappelle que les histoires qui comptent sont celles qu’on tisse ensemble.
À lire d’urgence. À offrir en confidence. À relire dans vingt ans.
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